LUINEL
WINSISTER
JOURNAL D’UN CHASSEUR
Pas de nouvelles de papa depuis maintenant trois semaines. Il m’appelle toujours pour me prévenir quand l’une de ses chasses s’attarde. Ça commence vraiment à m’inquiéter. Je ne cesse de l’appeler et de lui laisser des messages. Et s’il lui était arrivé quelque chose ? Non, je refuse de penser à cette idée. Pourtant je sais que quelque chose ne va pas. Je dois partir à sa recherche, il le faut mais d’abord, je dois prévenir quelqu’un qui est autant concerné que moi : Sam. Il faut que Sammy soit au courant, il faut qu’il m’aide à le retrouver.
J’ai reçu un appel de papa. Il m’a laissé un message sur le répondeur, rien de rassurant, je me mets en route pour aller chercher Sammy, j’espère qu’il m’écoutera, en deux ans, nos rapports se sont estompés, il est parti pour la fac et sa relation avec papa n’est pas du tout au beau fixe.
J’ai réussi à convaincre Sam de m’accompagner. Ça n’a pas été facile mais en lui montrant les quelques pistes que j’avais, il a compris que papa était en danger. Le seul problème, c’est que Sammy veut rentrer avant le début de la semaine, je ne pense pas qu’on aura retrouvé papa d’ici là, quelque chose d’énorme se prépare, je le sais et je sais aussi que la route va être longue.v
Première affaire avec Sammy et pas la moindre ! Mise à part nos petites querelles et l’adrénaline à poursuivre une dame blanche (sans oublier qu’encore une fois, la police m’a arrêté), notre relation fraternelle a de beaux jours devant elle, c’est papa qui serait content de voir ses deux fils réunis, c’est l’affaire de famille qui serait assurée de perpétuer ! Ah Papa, si je savais ce que tu veux me dire, toute la journée nous avons suivis ses traces, de son journal à la chambre d’hôtel avec toutes les coupures de presses. J’ai encore essayé de l’appeler mais rien. Je l’admire beaucoup, un chasseur de ce genre, il n’en existe très peu, j’espère un jour être aussi doué que lui et j’espère que ce jour-là, il sera à mes côtés pour le remarquer.
Voilà je viens de raccompagner Sam à la fac. Je suppose que c’est terminé, je me retrouve seul encore une fois et toujours aucune nouvelle de Papa…Je suis dans ma voiture, je vais attendre un peu avant de reprendre la route.v
Les choses ne se passent jamais comme on l’espère, j’en ai eu la preuve aujourd’hui. Une chose terrible est arrivée à Jessica, la petite amie de Sam, la même chose qu’à Maman, Sam est décidé à la venger, je ne vais donc pas prendre la route seul, je suis content que Sam m’accompagne mais j’aurai bien évidemment préféré dans d’autres circonstances. La vengeance n’a rien de bon, mais si c’est elle qui nous fait avancer et nous empêche de sombrer alors je dis oui. Finalement, Sam et moi avons un point commun : on désire tous deux tuer la même saloperie. Avec papa, on est donc trois à vouloir la même chose, maintenant, il faut sérieusement penser à le retrouver, car s’il sait où cette chose démoniaque se trouve, on doit la combattre ensemble.v
Nous sommes restés à Stanford pendant une semaine mais nous n’avons rien trouvé, on a donc décidé de reprendre la route, je me fais toujours du souci pour papa et maintenant je dois m’en faire pour Sammy. Papa nous a conduit vers une autre affaire, je sais maintenant qu’il veut qu’on reprenne là où il s’est arrêté en attendant qu’il sache sur quelle piste il est. Sam ne comprend pas, je ne peux pas lui en vouloir, la vengeance l’aveugle, il veut à tout prix retrouver papa pour retrouver cette foutue saloperie. Je dois le convaincre que ce n’est pas la bonne solution, on trouvera notre père quand le temps sera venu.v
Les jours passent, les affaires aussi, j’ai convaincu Sammy qu’on retrouvera Papa en temps voulu mais que pour l’heure, on devait se consacrer aux pistes qu’il nous donnait. Toujours aucune nouvelle de lui, Sammy commence à s’impatienter, on a essayé de rappeler son portable, en guise d’annonce d’accueil, il renvoie ses correspondants vers mon numéro, « ...contactez Dean mon fils… » Où es-tu John ? Moi aussi je commence à perdre patience.v
Les chasses se poursuivent, Sammy et moi nous sommes rapprochés, notre relation fraternelle s’améliore considérablement même si nous ne perdons pas de vu nos objectifs, j’apprécie que Sammy soit là avec moi. Il rigolerait bien s’il savait que j’écrivais mon propre journal. Même moi ça me surprend parfois, mais avec tous ce que je vois, tous ce que je vis, il faut bien que j’exorcisme mes journées sur du papier, je ne suis qu’un être humain après tout.v
Cette journée a été plus qu’éprouvante, de tout ce que j’ai pu voir, celle-ci restera à jamais dans ma mémoire, j’aurai voulu que papa soit là, il avait le droit de pouvoir la revoir…
Nous sommes retournés à notre ancienne maison. Je m’étais pourtant promis de ne jamais y remettre les pieds mais il semblait que la famille qui y vivait avait des problèmes. On s’est donc rendu à Lawrence, au Kansas, là où tout à commencé. Il semblait que la chose qui avait tué maman et Jessica était encore là. J’ai encore essayé de l’appeler et j’ai craqué en lui laissant un message, revenir ici était beaucoup trop douloureux, j’ai vraiment besoin de lui, je ne sais plus quoi faire.
Un indice dans son journal nous a conduits à Missouri un médium qu’il connaissait apparemment, elle avait l’air d’en savoir beaucoup sur nous également. Mais elle ne nous a rien appris sur l’endroit où se trouvait notre père.
Nous sommes retournés dans notre ancienne maison pour en finir avec cette chose. La chose en feu s’en est prise à Sam, j’ai voulu l’arrêter mais Sam m’a stoppé. Je n’ai pas compris de suite la raison pour laquelle il avait fait ça, il l’avait senti mais moi pas. C’est alors qu’elle s’est approchée et on a pu la distinguer : maman. J’ai cru que mes yeux me mentaient, que j’halluciné ou alors que j’étais mort. Elle a simplement prononcé mon prénom puis s’est approché de Sam pour enfin partir en flammes. Le temps que nous réagissions, c’était déjà fini. Si papa était là, il l’aurai vu, j’aurai tant aimé qu’il la revoit mais il n’était pas là et nous n’avions toujours pas de nouvelles de lui.v
Papa va bien, j’ai reçu un texto de lui ce matin, me donnant des coordonnés pour une nouvelle affaire. Sam n’ai pas sur que ça vienne de lui. Moi j’en suis convaincu.v
Ce matin tôt, mon téléphone a sonné, Sammy a répondu, c’était papa. Le choc que j’ai eu, papa appelle et c’est Sam qui répond. J’aurai du me réveiller pour décrocher. Sammy parlait et écoutait notre père parler pendant que moi abasourdi, le bras tendu, j’attendais qu’il me passe le téléphone. Une fois qu’il le fit, j’écoutais attentivement les ordres de mon père et notais deux noms. Puis Sam et moi sommes parti sur cette affaire que papa voulait qu’on règle. Je suivais les ordres mais Sam ne comprend pas la confiance aveugle que j’accorde à notre père, je peux comprendre ça mais je n’ai pas à m’excuser d’être un bon fils, je n’ai pas à m’excuser d’obéir à mon père, il m’a élevé ainsi, je dois exécuter ce qu’il me dit : sauver des vies, voilà ce qui importe aujourd’hui. Je sais que papa est vivant, j’ai donc espoir de le revoir bientôt, très bientôt pour qu’on puisse ensemble livrer cette bataille.
WINSISTER
Il jette un regard sur le lit voisin, espérant croiser le regard de son frère, en vain. Ce dernier dort paisiblement, une main sous l’oreiller. Sûrement pour sentir le contact froid de la lame qu’il y cache… Est-ce que lui aussi se pose des questions sur la disparition de leur père ? A peine la question finit-elle de lui traverser l’esprit qu’il se sent ridicule de l’avoir ne serait-ce que formulée. Bien sûr que Dean s’inquiète et qu’il se pose des questions ! Et lui, s’inquiète-t-il vraiment ?
Comme il l’a dit à son ainé, ça n’est pas la première fois qu’il disparait et il finit toujours par revenir. Depuis sa plus tendre enfance, Sam a été habitué aux absences répétées de son père. Il y avait toujours un travail qui l’envoyait à un bout ou l’autre du pays. Il se souvient que jusqu’à ses neuf ans, ça le rendait triste, mais pas trop. Parce que Dean était là, avec lui. Et que rester seul avec Dean, c’était vachement plus cool que quand papa était là. Quand Dean lui demandait quelque chose, il n’avait qu’à lui faire ce petit regard qu’il maniait si bien et l’ainé cédait toujours. Alors que son père…
Puis il y a eu ce fameux jour où il a appris ce que faisait réellement son père et ça a cassé quelque chose en lui. Il a perdu cette innocence qui habite chaque enfant. Il a compris ce jour là d’où venait cette lueur étrange dans le regard de son frère, d’où venait cette absence de chaleur humaine de la part de son père. Il chassait des monstres parce que l’un d’eux avait tué sa mère. A tout juste neuf ans, il venait de comprendre beaucoup de choses mais ne les acceptait pas. Depuis lors, quand son père s’absentait, il en ressentait un certain soulagement. Il n’avait plus sous les yeux celui qui lui avait menti, qui avait posé une lourde responsabilité sur les épaules de son ainé pendant près de neuf ans. Il n’avait plus sous les yeux le reflet de ce que serait son avenir. Parce qu’une autre chose qu’il a compris ce jour là, c’est que sa vie ne serait jamais celle à laquelle il pourrait rêver. Alors quand son père s’absentait, il ne s’inquiétait pas… ou peu. Il se contentait juste de maudire son absence. Tout comme il maudissait sa présence d’ailleurs… Parce que quand Sam avait besoin de lui, il n’était pas là, et quand il était là, Sam se sentait ignoré. Rien de ce qu’il pouvait faire ne trouvait pas grâce aux yeux de son père, comme s’il ne passait son temps qu’à le décevoir. Sam détestait ce sentiment, cette frustration, et il en était venu à maudire la présence de son père. Alors quand son père partait, il se sentait bien, apaisé. Et Dean était là lui, présent et confiant, alors pourquoi s’inquiéter…
Est-ce différent aujourd’hui ? Oui parce que son absence l’a forcé à reprendre la chasse et qu’à cause de ça, sa petite amie a perdu la vie. Oui parce que c’est la chose qui a tué leur mère qui a aussi pris cette vie là. C’est différent parce qu’aujourd’hui, il a besoin de son père pour l’aider à apaiser cette haine qui bout en lui. Ce qui n’est pas différent en revanche, c’est le fait qu’il le maudisse. Son père n’a jamais été là quand il avait besoin de lui, même quand il était présent, et cette fois encore, il ne déroge pas à la règle. Cette colère qu’il traine contre son père depuis qu’il sait la vérité ne l’a jamais quitté. Aujourd’hui elle gronde encore dans son cœur, s’unissant à la haine, à l’envie de vengeance. Mais aussi à cet autre sentiment qui lui vrille les tripes quand cette question heurte son esprit : est-il mort ?
Ce sentiment qu’il a ressenti pour son frère pendant tout le temps qu’il était à Stanford, il le ressent aujourd’hui pour son père. C’est assez rare pour qu’il en vienne à se demander pourquoi…
Dean… Dean qui a toujours considéré son père comme un héros invincible, Dean qui a toujours été ce brave petit soldat sans faille, Dean qui a toujours été là pour lui malgré toutes les difficultés, Dean qu’il a un jour abandonné pour vivre sa vie… Dean est inquiet. Il est venu le chercher, a mis sa fierté de côté et est venu implorer son aide. Leur père a toujours été le héros de Dean, son modèle, son mentor. Il a toujours eu une confiance aveugle en lui, obéissant sans discuter, ayant foi en tout ce qu’il faisait. Sam a souvent jalousé cette relation, mais s’est aussi souvent demandé si Dean aimait cette façon de vivre… Toujours est-il que cette relation était à double sens. John a toujours gardé le contact avec Dean, d’une manière ou d’une autre. Et l’ainé était sans nouvelle depuis trop longtemps maintenant. Et pour que Dean s’inquiète, c’est que la situation n’avait rien d’encourageante. Alors oui, aujourd’hui Sam s’inquiète pour son père.
Pourquoi ne donne-t-il pas signe de vie ? Il avait certainement prévu son absence au vu du message de sa boite vocale. Mais pourquoi ? Pourquoi ce silence envers eux ? Est-il mort ? Cette simple pensée lui noue l’estomac. La dernière fois qu’il a vu son père, c’était le jour de son départ pour Stanford et la séparation avait été plutôt violente. Il redoute les retrouvailles, il craint de le décevoir encore une fois. Mais malgré toutes leurs divergences, leurs disputes, il sait qu’il ne pourrait pas supporter sa mort. Que Dean la supporterait encore moins. S’inquiète-t-il plus pour son père ou pour son frère… Il l’ignore, mais il espère le retrouver rapidement, et vivant. Parce que même si aujourd’hui encore, c’est vachement plus cool d’être avec Dean qu’avec John, il sait que s’il lui arrive encore de maudire son père, il ne pourra jamais nier qu’il l’aime. Que même s’il n’a pas la vie dont il avait rêvé, il ne veut plus perdre un seul membre de sa famille.